Miracle! Miracle!!

L'improbable s'est produit! L'incroyable est advenu! J'ai retrouvé l'ouïe!!!
L'oreille est revenue!! Les sens sont revenus!!
J'entends, vois et goûte à nouveau la musique!!!

A force de ne plus fréquenter les mondanités des salles de concert et d'opéras parisiens, le miracle est arrivé : mes oreilles se sont débouchées, ma vision dévoilée, mes sens réanimés!

Adieu la grisaille du jugement à outrance apposé aux artistes! Au revoir la surenchère au prix d'excellence entre aspirants compétiteurs et rivaux à qui le plus blasé, à qui le plus grand consommateur...
Une retraite saine quasi à l'épure tibétaine et me voici à nouveau capable d'entendre chanter et lire les partitions autrement que dans le sens du "réussir à tout prix"!

APOCALYPTIQUE

Vous avais-je narré ma dernière aventure à l'ONP ce début de saison? Après avoir tenté une Salome de Strauss malheureuse à bien des égards : public et aigus fatigués d'une chanteuse que j'aime beaucoup sans évoquer une mise en scène insipide, quoique non agressive, je reviens en deuxième session pour l'un des mes opéras préférés : Lulu de Berg avec la merveilleuse Laura Aïkin.
Et là, croyez-le ou non, je me sauve à l'entracte tant le tout m'insupporte! Une première...
Je n'avais jamais fui un opéra autre que celui sinistré de Bucarest lors de la dictature militaire post-Ceauşescu, avec des débris de chanteurs et musiciens qui massacraient non pas allégrement, mais docilement déformés par des années de Parti, Le Barbier de Rossini au point d'en chanter et jouer faux. Une de mes rares altercations avec une partie du Parti du public d'ailleurs! :-)
Si vous avez l'oreille sensible, je vous déconseille allègrement tout traitement de ce genre : la fausse note en Bel Canto, c'est violent! Sans parler de la voix chevrotante... Du reste l'Escamillo que j'avais vu là-bas, hors compétition celui-là pour le coup, pour question d'âge suranné et voix out, demeure un inoubliable du cauchemar musical en les termes.
Donc, outre ces excès bucarestois, vous le comprenez bien, qui n'ont rien de bien lyrique et musical mais reposent sur une véritable histoire politique et de déliquescence sociale, jamais il ne m'avait pris de fuir un théâtre jusqu'ici. Ne serait-ce que parce que le prix de la place fait que de toute manière, on insiste même si on s'ennuie...
Eh bien, entre la mise en scène avec laquelle j'étais totalement en désaccord, présentant toujours le mythe de la Sainte Putain qui arrange bien tous les mâles qui ont du mal (ben oui pas top) à évoluer au niveau clivage des genres et non pas regardant Lulu pour ce qu'elle est (mais je ne referai pas de topo ici; il fallait me lire quand j'écrivais des analyses sérieuses gratuitement sur le web! :-P), le public qui ne comprenait rien et le manifestait en applaudissant "là où il convient d'applaudir" pour être dans le ton, "fashion", etc.. j'ai pris la fuite..
Pourtant Aïkin, c'est quelque chose! Enfin, je l'avais déjà vue sur scène dans le rôle et dans une mise en scène incroyable avec un vrai bon Directeur d'Orchestre, un de ces rares moments d'opéra, pas à Paris mais à Lyon (la vraie capitale du spectacle lyrique dans ce pays à mon sens), dont on se souvient à jamais.

On me rappelait dernièrement alors que je m'ouvrais de ma lassitude du parisianisme que de toute manière Charles Garnier avait autant conçu son "Palais" pour aller voir que pour se faire voir, pour montrer autant que se montrer; et voici qui résume vraiment l'enfer de ces dernières années au théâtre, du reste!
Eh bien Charles sois heureux : tu as réussi au-delà de tes espérances, pourtant moins grandes que les dickensiennes, et tes suiveurs dans l'art de la belle montre, t'ont sublimé avec le bâtiment Bastille, parvenant à faire d'une place symboliquement populaire, un imprenable pour le peuple.. Joli renversement anti-libertaire, n'est-il pas :-)))
Mais, au final, lorsque l'on veut de la musique, on cherche de plus en plus ailleurs. Parce qu'entre les clans "d'habitués", de "célébrités virtuelles mélomaniaques", de "connaisseurs" et autres fadaiseurs ou faisandeurs, c'est selon, en tous genres, ajoutés aux mises en scène les plus délirantes et excessivement chères, côté spectateur soyons clairs, on n'a guère le désir de traîner là-dedans. Non mais est-ce que l'on a sérieusement considéré ce que l'on nous présente à quelles conditions "esthétiques", "financières" et mondaines avant de ne cesser d'y courir de plus en plus???
Comment peut-on parvenir à ne jamais être agacé dès lors que l'on a un rapport intime à la musique de tout ce bagout, pseudo-aspirants parvenus dans le public et commanditaires de stars plutôt que d'art et artistes?

Alors on fuit... ailleurs ou nulle part, mais en tout cas pas là, loin de là!

REVELATION

Et le Miracle advient : l'on retrouve tout! D'abord la musique, qui un jour se met à nouveau à sonner différemment, à se dire et se déployer elle-même.. Et l'on entend alors encore davantage l'hérésie de ces fausses manifestations tout en retrouvant la joie de la musique pour rien d'autre qu'elle-même.. Mais qui, combien, peuvent réellement entendre ce que je dis là : "rien d'autre qu'elle-même", même parmi ceux qui le croient?
Non.
Il faut avoir fait l'expérience, cette expérience de la déception absolue, du vertige du vide, du gouffre intersidéral de ces absconses positions et paroles creuses, de ces jugements à l'emporte-pièces de sélectionneurs de "top models" de la musique (à ne pas entendre dans le sens physique), c'est-à-dire de ce qui s'y fond, s'y uniformise le mieux en étant au moins possible le "soi" de l'artiste", le "ça" de la musique qui s'échappe par nature à et de toutes considérations, pour retrouver, le goût, la vue et l'ouîe, bref jouir de ses sens.
Comment connaître le Diable sans jamais l'avoir côtoyé? :-)

Pour lui échapper, il vous faut mourir pour revenir à vous-même! Tuez le cabotin mondain et dédaigneux en vous, rejoignez-vous en l'humilité simple du sentiment d'appartenance à l'humain et jouissez enfin de la beauté des arts..

En vérité je vous le dis : apprenez à fuir ces faux prédicateurs, suivez la lumière ennemie des faux-semblants, des postures, et vous échapperez (peut-être) à l'apocalypse dernière de la fin des Sens et des Arts!

Miracle sur l'auditoire...

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